par Catherine Larrère
Professeur émérite à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de philosophie morale et politique
Professeur émérite à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de philosophie morale et politique
En 1973, Georges Canguilhem prononçait une
conférence intitulée « la question de l’écologie »[1]. Pour parler d’un sujet
qui, à cette époque, commençait à attirer l’attention mais était encore assez
peu traité, il trouvait ses références dans les réflexions du Club de Rome,
dont le fameux rapport Meadows, Les
limites de la croissance[2] était paru l’année
d’avant. Il s’intéressait également au mouvement écologique en train de se
constituer en France, autour de l’hebdomadaire Le Sauvage et des articles d’André Gorz, notamment[3]. Le point de départ de sa
réflexion était donc l’ambiguïté du terme écologie, qui désigne à la fois une
discipline scientifique (l’étude des relations des organismes et de leur
milieu) et un courant idéologique, qui mobilise politiquement autour des
questions d’environnement (pollutions, déchets, épuisement des ressources…). Le
souci de Canguilhem était alors de distinguer entre les « propositions de
caractère scientifique, sur lesquelles on peut s’appuyer » (la
détermination des limites de nos actions techniques et économiques dans le
milieu naturel : on ne pouvait poursuivre une croissance illimitée sur une
Terre limitée), et les thèses idéologiques à finalité politique. De ce point de
vue, il renvoyait dos à dos technophobes -qui annoncaient déjà la catastrophe
imminente, et technophiles -qui contestaient la fatalité de l’échéance et se
reposaient sur leur optimisme technologique (on trouvera toujours une solution
technique à des problèmes techniques). Canguilhem articulait ainsi deux
critiques : le rejet du naturalisme, d’une part, la mise en cause de la
conception dominante des rapports entre science et technique, d’autre part.