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UMA REFLEXÃO SOBRE O TEMPO QUE ESTAMOS A VIVER

  Por Galopim de Carvalho  Professor catedrático jubilado da Faculdade de Ciências da Universidade de Lisboa, Geologia e Sedimentologia. Foi...

sexta-feira, 30 de março de 2018

En quoi le paysage est-il vivant?



Par Augustin Berque
Directeur d’études en retraite à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris)

Résumé On imaginera aisément que le paysage vit, biologiquement, de la vie des êtres vivants qui s'y trouvent. C'est faux : le paysage ne se réduisant pas à un écosystème, il ne se réduit pas non plus à la vie des organismes qui composent un écosystème. Le paysage est une relation éco-techno-symbolique, pas seulement écologique. Alors, de quelle sorte est la vie de cette relation? La question sera ici examinée du point de vue onto-logique - à la fois logique et ontologique - qui est celui de la mésologie (Umweltlehre, fûdoron 風土論).


Plan  § 1. Le paysage, de 1906 à 2018 ; § 2. Question de cosmophanie ; § 3. Kosmos, kosmos, quand tu nous tiens… ; § 4. En quoi le paysage est vivant.


§ 1. Le paysage, de 1906 à 2018
En 1906, la première édition du Petit Larousse illustré définissait le paysage comme suit :

« PAYSAGE (pé-i-za-je) n. m. Étendue de pays qui présente une vue d’ensemble : admirer le paysage. Dessin, tableau représentant un site champêtre : Corot a laissé de magnifiques paysages »[1],

tandis qu’en 2018, la première édition du Glossaire de mésologie le définit comme suit :

« PAYSAGE n. m. Genre de cosmophanie* apparu dans la classe de loisir (Veblen) au IVe siècle en Chine, à la Renaissance en Europe, et répandu depuis : le paysage ne se réduit ni à une simple projection subjective, ni à un simple objet* là-dehors, il est trajectif* » [2].

            En un peu plus d’un siècle, il semblerait donc, au premier abord, que la question du paysage se soit compliquée. Bien entendu, les deux lexiques ne relèvent pas de la même catégorie : le premier est un dictionnaire de la langue d’usage courant, le second effectivement un glossaire, ce que le même Petit Larousse définissait comme suit :

« GLOSSAIRE (glo-sè-re) n. m. (du grec glôssa, langue). Dictionnaire expliquant les mots vieillis ou peu connus d’une langue : Du Cange a laissé un précieux glossaire de la basse latinité »[3],

non que, de 1906 à 2018, le mot « paysage » ait vieilli – au contraire, il est plus encore d’actualité qu’en 1906 –, mais parce qu’entretemps, la problématique du paysage a considérablement progressé, au point de susciter la création d’écoles nationales supérieures du paysage, comme ici à Versailles ; et le fait est qu’à un tel niveau, ce que l’on sait du paysage est « peu connu » du grand public. Ce que j’en sais pour ma part, notamment pour avoir participé au tronc commun du défunt DEA Jardins, paysages, territoires créé par Bernard Lassus en 1991 à l’École [aujourd’hui nationale supérieure] d’architecture de Paris-La Villette, il m’a fallu des décennies pour l’élaborer[4] ; et c’est de cette élaboration que résulte la définition du glossaire cité plus haut.

§ 2. Question de cosmophanie
On voit que dans ce glossaire, le paysage est d’emblée défini comme une certaine cosmophanie. Qu’est-ce donc qu’une cosmophanie. ? Le même glossaire nous donne :

« COSMOPHANIE n. f. L’apparaître d’un milieu* : le paysage* est une forme historique de la cosmophanie, forme advenue au IVe siècle en Chine et à la Renaissance en Europe »[5].

            Nous sommes donc renvoyés à « milieu », mot qui pour sa part est défini comme :

« MILIEU n. m. Correspond à l’Umwelt chez Uexküll et au fûdo 風土 chez Watsuji ; syn. de corps médial*. Dans l’écoumène* en particulier, c’est l’ensemble de relations éco-techno-symboliques que, trajectivement*, l’humanité crée à partir d’elle-même et de la matière première qu’est l’environnement* : l’environnement fait l’objet de l’écologie*, le milieu celui de la mésologie* »[6].

            Il est ici fait allusion à une différence essentielle entre, d’une part, « milieu » et « environnement », et corrélativement, d’autre part, entre « mésologie » et « écologie ». Cette différence essentielle, c’est que le milieu suppose une relation à un certain sujet, tandis que l’environnement est un donné objectif (un écosystème), placé sous le regard abstrait – le regard de nulle part – de la science moderne, l’écologie en l’occurrence. Au contraire, aspect sensible d’un certain milieu, le paysage est placé sous le regard concret d’un sujet humain, dans une certaine situation.
            Ce sont les deux auteurs évoqués dans la définition susdite qui ont mis en lumière cette différence entre milieu et environnement, le premier (le naturaliste germanobalte Jakob von Uexküll, 1864-1944) à propos des animaux – disons, plus largement, du vivant en général –, le second (le philosophe japonais Watsuji Tetsurô[7], 1889-1960) à propos des sociétés humaines, dans deux livres qui ont paru presque en même temps, Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen (Incursions dans les milieux d’animaux et d’humains, 1934)[8] et Fûdo. Ningengakuteki kôsatsu 『風土. 人間学的考察』 (Milieu. Étude de l’entrelien humain, 1935)[9].
            Uexküll, par la méthode expérimentale des sciences de la nature moderne, a montré que le donné environnemental brut (Umgebung) n’existe pas pour un animal ; ce qui existe concrètement pour lui, c’est le milieu (Umwelt) propre à son espèce. Pareillement, Watsuji a montré que ce qui existe concrètement pour une société humaine, c’est son milieu propre (fûdo 風土), qui est le produit d’une certaine histoire, et non pas le donné immédiat de l’environnement naturel (shizen kankyô 自然環境).
            Il y a donc, montre Watsuji, un lien ontologique entre les êtres humains et le milieu qui leur est propre ; relation qu’il appelle médiance (fûdosei 風土性) et qu’il définit, à la première ligne de Fûdo, comme « le moment structurel de l’existence humaine » (ningen sonzai no kôzô keiki 人間存在の構造契機), c’est-à-dire comme un couplage dynamique entre l’être humain et son milieu (milieu qui, précisons-le, est éco-techno-symbolique dans le cas de l’humain, pas seulement écologique comme dans le cas du vivant non-humain)[10].
            Uexküll, de son côté, a montré une même interdépendance entre l’animal et son milieu, ce qu’il a nommé Gegengefüge, « contre-assemblage ». Il en résulte une adéquation réciproque entre l’animal et son milieu, ce qui fait que, l’environnement serait-il pessimal à nos yeux, son propre milieu est toujours optimal pour l’animal considéré ; c’est ce que j’ai appelé « le principe d’Uexküll », et défini comme suit dans le Glossaire de mésologie :

« PRINCIPE D’UEXKÜLL n. m. Principe de la cosmicité* selon laquelle, pire soit l’environnement*, meilleur est le milieu* (pessimale Umgebung, optimale Umwelt) pour l’être* dont c’est justement le milieu* :  les extrémophiles ne cessent de corroborer le principe d’Uexküll »[11].

                Le même principe vaut pour les sociétés humaines : c’est toujours dans son propre milieu que l’on se sent le mieux. Si c’est la science moderne qui a mis ce principe en lumière, Platon – inconsciemment il est vrai – l’exprimait déjà dans les dernières lignes du Timée :

« Καὶ δὴ καὶ τέλος περὶ τοῦ παντὸς νῦν ἤδη τὸν λόγον ἡμῖν φῶμεν ἔχειν· θνητὰ γὰρ καὶ ἀθάνατα ζῷα λαβὼν καὶ συμπληρωθεὶς ὅδε ὁ κόσμος οὕτω, ζῷον ὁρατὸν τὰ ὁρατὰ περιέχον, εἰκὼν τοῦ νοητοῦ θεὸς αἰσθητός, μέγιστος καὶ ἄριστος κάλλιστός τε καὶ τελεώτατος γέγονεν εἷς οὐρανὸς ὅδε μονογενὴς ὤν.

Eh bien, déclarons maintenant que nous avons atteint le terme de notre exposé sur l’univers. Ayant été doté en effet des vivants mortels et immortels et ayant atteint ainsi sa plénitude, il est né notre monde, vivant visible comprenant les vivants visibles, dieu sensible, image d’un dieu intelligible, très grand, très bon, très beau, et très parfait, ciel unique qui est seul de sa race »[12].

                Mais en quoi donc peut-on voir ici la préfiguration du principe d’Uexküll ? C’est ce que nous allons maintenant examiner (§ 3 et § 4).

§ 3. Kosmos, kosmos, quand tu nous tiens…
Ce que j’appelle plus haut « principe d’Uexküll » n’est autre que le principe de cosmicité qui vaut pour tout monde (kosmos) vivant, les mondes humains en particulier. « Cosmicité » se définit effectivement  comme suit pour la mésologie :

« COSMICITÉ n. f. État du kosmos* platonicien, qui est  μέγιστος καὶ ἄριστος κάλλιστός τε καὶ τελεώτατος (très grand, très bon, très beau et très achevé) en vertu du principe d’Uexküll*, i. e. l’adéquation réciproque de l’être* et de son milieu* ; état de chose où, pour cet être, tout est donc ordre et beauté, luxe, calme et volupté (Baudelaire) »[13].

            Or à propos « du » monde, le texte du Timée se termine par un beau casse-tête logique[14]. Quel est en effet le point de vue de cet énonciateur de « notre » exposé sur le monde ? Où se place-t-il et à quoi se réfère-t-il pour pouvoir qualifier celui-ci de « très grand… très parfait » (μέγιστος καὶ ἄριστος κάλλιστός τε καὶ τελεώτατος) tout en posant que ledit monde est μονογενὴς : « enfant unique », ou « unique en son genre », c’est-à-dire singulier ?
            La traduction de Luc Brisson a fort logiquement rendu cette suite de superlatifs par l’absolu « très » au lieu du relatif « le plus », qui aurait trop clairement impliqué un point de comparaison ; mais cela ne suffit pas. Reste l’énigme : comment peut-on qualifier une chose qui n’existe qu’à un seul exemplaire ? Comment peut-on même en dire quelque chose, alors que cette chose-là nous enveloppe et constitue notre ciel (οὐρανὸς), autrement dit nous subsume ?
            Reconnaissons tout de suite que, devant cette énigme, notre science en est exactement au même point que Platon ; à savoir que nous ne pouvons rien dire logiquement de notre monde, faute de rapport (λόγος) à autre chose. Il est « le » monde : nous n’avons pas d’échelle pour sortir de cette île et l’observer de loin, en la comparant à d’autres îles. De cette insularité de la singularité, l’on ne saurait tirer ni logique ni science ; car, ainsi que l’ont démontré les théorèmes d’incomplétude et d’indécidabilité  de Kurt Gödel (1906-1978)[15], on ne peut construire de proposition p énonçant la consistance d’un système S, telle que p appartienne elle-même à S. Telle est l’indépassable insularité de notre condition mondaine ; et telle, l’inhérente mondanité de notre cosmologie.
            C’est bien pourquoi la physique contemporaine, en toute rigueur, en est venue à poser que nous ne pouvons jamais avoir accès qu’à un « réel voilé », c’est-à-dire à une réalité empirique, laquelle, onto-logiquement (à la fois logiquement et ontologiquement), ne sera jamais l’en-soi du Réel, mais seulement son image approchée, ou l’image de nos rapports avec lui[16].
            Ce voilement du Réel par les termes mêmes dans lesquels il existe pour nous (i.e. ce qui est pour nous la réalité), le Glossaire de mésologie le définit comme suit :

« VOILEMENT n. m. Opération par laquelle, du point de vue de la science*, S* est caché par P* du fait de la mondanité*, et spécialement du fait de la religion*. À l’inverse, pour la religion, comme dans la Dicte (Dichtung) heideggérienne, identifier S à P est un dévoilement (ἀλήθεια), i.e. la vérité* »[17],

« vérité » pour sa part étant défini comme suit :

« VÉRITÉ n. f. Pour la science*, adéquation relative de P* à S*. Pour la religion*, identité* absolue de S et de P. Voir Voilement, Parole »[18].
           
            Il y a dans ce qui précède une coïncidence fortuite, mais éclairante, d’une part entre « P » (ici « prédicat ») et « p » (plus haut « proposition »), et d’autre part entre « S » (ici sujet logique : ce dont il s’agit) et « S » (plus haut « système »). Effectivement, une proposition comprend un prédicat disant quelque chose à propos d’un sujet logique, en l’occurrence un certain système. Or, nous devons à Nishida Kitarô (1870-1945), avec ce qu’il a appelé « logique du lieu » (basho no ronri 場所の論理) ou « logique du prédicat » (jutsugo no ronri 述語の論理)[19], d’avoir montré que le monde est prédicatif. C’est un « monde prédicat » (jutsugo sekai 述語世界). Effectivement, pour la mésologie – sinon pour Nishida, dont l’argument suivait d’autres voies –, un monde est l’ensemble des prédicats selon lesquels les choses existent en tant que quelque chose  pour un certain être, individuel (une personne, un organisme…) ou collectif (une espèce, une société…). Ces en-tant-que[20] sont, en somme, les manières qu’a un certain être de saisir – par les sens, l’action (cela vaut pour tout le vivant), la pensée (cela vaut pour les animaux supérieurs) et la parole (cela vaut pour l’humain seul[21]) – le Réel (S) de l’environnement pour en faire la réalité de son milieu (S/P, soit S en tant que P). Ce processus, c’est ce que la mésologie appelle trajection ; ce que le Glossaire de mésologie définit comme suit :

TRAJECTION n. f. 1. Va-et-vient de la réalité* entre les deux pôles théoriques du subjectif et de l’objectif : la réalité ne relève ni seulement de l’objet*, ni seulement du sujet* ;  relevant de la trajection des deux, elle est trajective. 2. Assomption de S* en tant que* P*, syn. d’ek-sistence* : au IVe siècle, en Chine, il y a eu trajection des eaux de la montagne (shanshui 山水) en tant que paysage (shanshui 山水).

            La réalité (S en tant que P) est donc trajective ; ce que le Glossaire définit comme suit :

TRAJECTIF, -VE adj. Relevant de la trajection : une chose* n’est ni seulement objective ni seulement subjective, ni seulement substantielle ni seulement relationnelle, elle est trajective.

            Et voilà pourquoi Timée (alias Platon) juge que « le » monde (le kosmos) est « parfait », τελεώτατος ; ce n’est nullement parce qu’il aurait eu la possibilité d’en sortir et de le comparer à d’autres mondes, mais tout simplement parce que c’est son monde, le kosmos d’un être humain, et qu’en vertu du principe d’Uexküll, un tel monde ne peut qu’être en adéquation parfaite avec son être même ; cela parce que son existence et celle de son monde résultent d’une même trajection – d’une même ek-sistence de la réalité hors de l’en-soi de S (le Réel de l’Umgebung), en vertu d’un certaine mise en ordre, d’une certaine mise en kosmos (P)[22].  

§ 4. En quoi le paysage est vivant
Ainsi l’existence des choses (S/P), dans un certain milieu (S/P), dépend de l’existence  des êtres qui trajectent S en tant que P. Ces derniers sont les interprètes (I) de S (le Réel) en tant que P (un certain monde), interprétation (trajection) qui produit la réalité S/P, dans la ternarité S-I-P, non pas la binarité dualiste sujet-objet. Qui sont ces interprètes (I) ? Tous les êtres vivants, individuels ou collectifs, par et pour lesquels le Réel (S) peut exister en tant que leurs propres mondes (P), dans la réalité sensible de leurs propres milieux (S/P).
            Pour nous aujourd’hui, dans la réalité de certaines situations – celles par exemple que définissait plus haut le Petit Larousse de 1906 –, S peut apparaît en tant qu’un certain paysage ; et tout ce que nous venons de voir montre que ce paysage-là, comme tout autre paysage, existe de notre propre existence, vit de notre propre vie. Cela ne veut nullement dire qu’il serait notre propre existence, qu’il serait notre propre vie. Il ne s’agit pas d’identité (A est A), mais de trajection (A ek-siste en tant que non-A) ; et dans cette trajection (cette ek-sistence), le paysage nous suppose indissociablement de ce en tant que quoi, hors de la gangue de l’identité à soi de l’environnement (S), il ek-siste pour nous apparaître en tant que quelque chose.
            Cette indissociabilité, ce n’est autre que ce que Watsuji a défini comme « le moment structurel de l’existence humaine » : la médiance.  C’est parce que le paysage et nous-mêmes n’existons concrètement que dans notre commune médiance, c’est-à-dire dans le couplage dynamique (le Strukturmoment) de notre être avec notre milieu éco-techno-symbolique, que notre milieu lui-même – donc le paysage qui en est, pour nous, l’apparaître sensible –, existe de notre propre existence, vit de notre propre vie[23].
            Platon, certes, n’avait aucune idée de la mésologie d’aujourd’hui ; mais ce qu’il exprime à sa manière, dans  le système symbolique du Timée, nous confirme que « le » monde (ὁ κόσμος), c’est-à-dire forcément notre monde – à nous autres pour qui, depuis la Renaissance, le donné environnemental existe en tant que paysage – est donc bien un « vivant visible » (ζῷον ὁρατὸν). Nous savons cela, nous aujourd’hui, pour d’autres raisons que Platon, et nous savons aussi que ce n’est pas parce qu’il serait un « dieu sensible » (θεὸς αἰσθητός) que le monde peut nous apparaître comme un beau paysage, mais seulement de par le moment structurel de notre propre existence ; il n’empêche : tous les matins, c’est d’un même et unique ciel (εἷς οὐρανὸς) que tout cela s’éclaire[24], et que se met à vivre le paysage.

Palaiseau, 15 mars 2018.

École nationale supérieure du paysage de Versailles
Les confidences de paysages, II
La pensée du vivant / Ressources des territoires
Colloque, jeudi 29 mars 2018
En quoi le paysage est-il vivant?
Augustin Berque

berque@ehess.fr 

Augustin BERQUE, né en 1942 à Rabat, géographe et orientaliste, est directeur d’études en retraite à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris). Membre de l’Académie européenne, il a été en 2009 le premier Occidental à recevoir le Grand Prix de Fukuoka pour les cultures d’Asie, et en 2017 le premier Français admis au Palais de l’environnement terrestre de Kyôto, qui commémore le Protocole de 1995 sur les émissions de gaz à effet de serre.






           











           







[1] Claude AUGÉ (dir.), Petit Larousse illustré. Nouveau dictionnaire encyclopédique, Paris, Librairie Larousse, 1906, p. 729.
[2] Augustin BERQUE, Glossaire de mésologie, Bastia, éditions Éoliennes, 2018, p. 29. NB : dans cette définition, les astérisques renvoient à d’autres entrées du même glossaire.
 3 Op. cit., p. 433.

[4] Élaboration jalonnée par des publications telles que : Le Sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986, 1997 ; Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/RECLUS, 1990, 2000 ; (dir.) Cinq propositions pour une théorie du paysage, Seyssel, Champ Vallon ; Les raisons du paysage, de la Chine antique aux environnements de synthèse, Paris, Hazan, 1995 ; (dir.) La Mouvance. Cinquante mots pour le paysage, Paris, éditions de La Villette, 1999; (dir.) Mouvance II. Soixante-dix mots pour le paysage , Paris, éditions de La Villette, 2006; La Pensée paysagère, Bastia, éditions Éoliennes, 2016 (2008). 
[5] Op. cit., p. 14.
[6] Op. cit., p 26.
[7] Dans le présent texte, les anthroponymes d’Asie orientale sont donnés dans leur ordre normal : patronyme avant le prénom.
[8] Trad. par Philippe Muller, Mondes animaux et monde humain, Paris, Denoël, 1965 ; trad. par Charles Martin-Freville, Paris, Payot et Rivages, 2010 (sans l’essentielle seconde partie, Théorie de la signification [Bedeutungslehre]).
[9] Trad. par Augustin Berque, Fûdo. Le milieu humain, Paris, CNRS, 2010.
[10] Soit dit pour faire court, mais tant le symbole que la technique s’ébauchent dès avant l’humain ; v. mon Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie, Paris, Belin, 2014. Sur la mésologie en général, v. Augustin BERQUE, Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000, 2008 ; La Mésologie, pourquoi et pour quoi faire ?, Nanterre La Défense, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014 ; Là, sur les bords de l’Yvette. Dialogues mésologiques, Bastia, éditions Éoliennes, 2017. Pour un tableau plus général et plus diversifié, Marie AUGENDRE, Jean-Pierre LLORED et Yann NUSSAUME (dir.), La Mésologie, un autre paradigme pour l’anthropocène ?, Paris, Hermann, 2018. Pour un suivi des recherches récentes, v. le site créé et dirigé par Yoann MOREAU (Mines ParisTech)  <http://mesologiques.fr>.
[11] Op. cit., p. 32.
[12] Texte grec établi par Victor Cousin, saisi sur internet dans sa numérisation par Marc Szwajcer. Traduction de Luc Brisson, Timée, Critias, Paris, Flammarion, 1996, p. 220.
[13] Op. cit., p. 14.
[14] Je reprends ci-après quelques lignes d’Écoumène, p. 31-32 (éd. 2000).
[15] Je reprends ci-après la formulation simplifiée des théorèmes de Gödel par Jean-François GAUTIER, L’Univers existe-t-il ?, Arles, Actes Sud, 1994, p. 146.
[16] Voir Werner HEISENBERG, La nature dans la physique contemporaine (Das Naturbild der heutigen Physik, 1955), Paris, Gallimard, 1962 ; André CORET, L’A-préhension du réel. La physique en questions, Amsterdam, OPA/Éditions des archives contemporaines, 1997 ; Bernard d’ESPAGNAT, Traité de physique et de philosophie, Paris, Fayard, 2005.
[17] Op. cit., p. 42.
[18] Op. cit., p. 42.
[19] Voir Augustin BERQUE (dir), Logique du lieu et dépassement de la modernité, Bruxelles, Ousia, 2000, 2 vol. ; et plus particulièrement mes articles  « La logique du lieu dépasse-t-elle la modernité ? », p. 41-52, et « Du prédicat sans base : entre mundus et baburu, la modernité », p. 53-62  dans Livia MONNET (dir.) Approches critiques de la pensée japonaise au XXe siècle, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2002.
[20] Le Glossaire de mésologie (p. 17) définit ce terme comme suit : « EN TANT QUE conj. de subordination,  EN-TANT-QUE n. m. invar. Opération qui fait ek-sister* l’être* en soi en tant que quelque chose, hors de la gangue de son identité*. Syn. : en-tant-que mésologique, en-tant-que écouménal. Apparenté au soku chez Yamauchi. Correspond au Ton (ton, tonalité) chez Uexküll (p.ex. comme dans Esston, en tant qu’aliment, Hinderniston, en tant qu’obstacle, etc.), au als du etwas als etwas (quelque chose en tant que quelque chose) chez Heidegger, au  men (« porte » ouvrant à une certaine réalité*, et détournant du Sens Vainqueur sheng yi 勝義) chez Xuan Zang, etc. C’est en somme l’interprétation contingente* de S* en tant qu’un certain P*, selon l’interprète I* dans la ternarité* S-I-P*, l’histoire* et le milieu* : l’invétération d’un certain ensemble d’en-tant-que produit un appareil* ». On éclairera éventuellement ces allusions obscures à Yamauchi, Heidegger etc. en consultant mon Poétique de la Terre, op. cit.
[21] En distinguant le langage humain par la double articulation (Martinet), ce qui est un saut par rapport à tout autre système biosémiotique.
[22] Rappelons que κόσμος, comme le latin mundus, a le triple sens de bon ordre, d’ornement et de monde (mundus a également le sens de trou cosmique, creusé à chaque fondation de ville, ce qui ne nous concerne pas ici). J’argumente ce processus de cosmisation dans Poétique de la Terre, op. cit. En ce sens le monde – le kosmos – s’apparente à ce que la mésologie appelle « appareil », et que le Glossaire définit comme suit : « APPAREIL n. m. Ensemble stable d’en-tant-que*, disposant à considérer comme « la » réalité une certaine réalité*. Apparenté à dispositivo chez Agamben, dispositif chez Foucault, Produktionsverhältnisse chez Marx, Gestell chez Heidegger, et sesetsu 施設 chez Yamauchi : l’Appareil appareille (≈ le dispositif dispose) ».
[23] Rappelons ici la thèse d’André LEROI-GOURHAN, Le Geste et la parole, Paris, Albin Michel, 1964, 2 vol., que je résumerai en trois mots : par extériorisation et déploiement de certaines des fonctions du « corps animal » en systèmes techniques et en systèmes symboliques, il y a anthropisation de l’environnement par la technique (ce qui en a fait un milieu humain), humanisation de l’environnement par le symbole (ce qui en a fait un milieu humain), et hominisation par effet en retour de ce milieu sur l’organisme. Il y a donc bien médiance, contre-assemblage de l’organisme (notre corps animal) et du milieu (notre corps médial, éco-techno-symbolique ; ce que Leroi-Gourhan appelait « corps social », car il est nécessairement collectif). 
[24] Rappelons que l’insubstance du ciel s’oppose à la substance (substantia : ὑπόστασις : le « se-tenir-dessous ») de la Terre, raison pour laquelle, en japonais, le même sinogramme peut se lire, suivant le contexte, soit sora (le ciel), soit (le vide bouddhique, symbole de l’insubstance de toute chose), ce qui le rapproche, au point de l’y confondre dans la pensée de Nishida, du (jp mu, cn wu : le néant, l’il-n’y-a-pas) venu pour sa part du taoïsme. L’insubstance du ciel (οὐρανὸς : κόσμος, nous dit le Timée), opposée à la substance de la Terre, c’est aussi l’insubstance du prédicat, tant pour Nishida que pour Aristote, de qui nous tenons l’homologie entre sujet en logique (subjectum : ὑποκείμενον : le « gisant-dessous ») et substance en métaphysique (οὐσία, substantif formé du participe présent féminin du verbe εἰμί, i.e. « je suis, être »), jointe à l’homologie entre prédicat en logique et accident en métaphysique (accidens : « tombant sur ») ; ce qui un jour permit à Isocrate (Oratores attici, 78) de qualifier la Terre de « celle qui, tout entière, gît sous le ciel » (ἡ γῆ ἁπάση ἡ ὑπὸ τῷ κόσμῳ κειμένη) : la Terre, c’est S (ἡ ὑπὸκειμένη : τό ὑποκείμενον), et le ciel, c’est P, autrement dit le jour (P) sous l’accidence duquel nous apparaît la réalité des choses (S/P) dans le monde sensible (κόσμος αἰσθητός). Traduit inconsciemment  dans le langage d’un paysagiste contemporain tel que Michel Corajoud (1937-2014), cela se dit tout simplement : « Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent », titre de sa contribution à François DAGOGNET (dir.) Mort du paysage. Philosophie et esthétique du paysage, Seyssel, Champ Vallon, collection Milieux, 1982, p. 37 sqq.

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